Le monde de la mobilité subit l'une des plus grandes transformations depuis un siècle. Alors que les véhicules deviennent autonomes, connectés et électriques, les idées traditionnelles sur la conduite et le risque sont en train d'être redéfinies. Pour les assureurs, cette évolution représente à la fois un défi et une opportunité : comment évaluer un risque lorsque le "conducteur" n'est plus humain ?
Lors de la récente journée de l'SAAM à Zurich, des experts d'Apollo ibott 1971 et de Simulytic ont exploré la manière dont le secteur de l'assurance peut s'adapter à cette nouvelle ère. Leurs réflexions montrent que les données, la simulation et la collaboration sont essentielles pour instaurer la confiance et accélérer le déploiement en toute sécurité des véhicules autonomes (AV).
Des conducteurs humains aux décisions algorithmiques
Pendant des décennies, les modèles d'assurance se sont appuyés sur le comportement humain. Les primes étaient déterminées par l'âge, l'expérience, le lieu de résidence et les antécédents de conduite, une équation simple qui supposait que l'erreur humaine était au cœur de la plupart des accidents.
Avec les véhicules autonomes, cette logique s'effondre. Il n'y a pas de dossier du conducteur, pas de temps de réaction, pas de distraction. Les décisions sont prises par des systèmes complexes de capteurs, de logiciels et d'intelligence artificielle. La responsabilité, et le risque, passent de l'individu à la technologie elle-même, ainsi qu'à l'écosystème qui la soutient : fabricants, opérateurs, fournisseurs de données et gestionnaires d'infrastructures.
Cette évolution oblige les assureurs à repenser leur cœur de métier. Il ne s'agit plus de prédire le comportement des humains, mais de comprendre comment les algorithmes se comportent dans des conditions spécifiques.
Pourquoi les modèles d'assurance traditionnels ne sont pas à la hauteur
Selon Chris Moore, directeur d'Apollo ibott 1971, les cadres d'assurance traditionnels ne peuvent pas facilement gérer la mobilité autonome. La société, qui assure les risques AV depuis une dizaine d'années, identifie quatre questions fondamentales qui façonnent l'avenir de l'assurance :
- Comment l'assurance est-elle distribuée ?
- Comment le risque est-il évalué ?
- Quelle est la couverture applicable ?
- Qui est réellement assuré ?
Chacun de ces éléments nécessite une nouvelle approche : une approche fondée sur les données, flexible et collaborative.
Repenser l'évaluation des risques
Le premier défi consiste à mesurer le risque lui-même. Sans conducteur humain, les assureurs ont besoin de nouveaux indicateurs de performance et de sécurité. C'est là que le concept de domaine de conception opérationnelle (ODD) devient essentiel.
Un ODD définit où et comment un véhicule autonome peut fonctionner en toute sécurité, en tenant compte de facteurs tels que la géographie, le type de route, la densité du trafic, les conditions météorologiques et l'heure de la journée. En ce sens, le risque n'est plus universel, il est contextuel. Le même véhicule peut présenter un risque faible dans un parc industriel contrôlé, mais un risque élevé dans un environnement urbain dense.
Pour y remédier, Simulytic a mis au point un modèle innovant appelé AVDRS (AV Deployment Risk Score). Il utilise des jumeaux numériques et l'IA pour simuler des milliers de scénarios de conduite dans une version virtuelle du monde réel. Cela permet aux assureurs d'évaluer le comportement d'un système autonome dans le cadre de son ODD spécifique, avant même qu'il ne prenne la route.
"La tarification du risque automobile est impossible sans données", explique Andy Gill, directeur de l'exploitation et cofondateur de Simulytic. "La simulation nous aide à générer des historiques de conduite synthétiques et à identifier les risques potentiels, ce qui donne aux assureurs la confiance nécessaire pour fixer des primes justes et transparentes."
L'émergence de nouvelles voies d'assurance
Apollo ibott propose plusieurs voies possibles pour l'évolution du marché de l'assurance à l'ère de l'AV.
1. Évolution de l'évaluation des risques
Les assureurs peuvent commencer par adapter les modèles existants, en ajoutant des facteurs de risque pour passer des véhicules conduits par l'homme aux véhicules autonomes, avant d'évoluer vers des cadres entièrement nouveaux fondés sur des données spécifiques aux AV.
2. Transformation de la couverture
Plutôt que de conserver des polices distinctes pour la responsabilité civile générale, l'automobile, la cybernétique et les risques liés aux produits, les assureurs pourraient introduire une police unique et unifiée de responsabilité civile des véhicules autonomes couvrant tous les aspects des opérations AV.
3. Parties assurées
Au lieu que chaque entreprise de l'écosystème AV souscrive sa propre assurance, une police globale d'assurance AV pourrait couvrir toutes les parties prenantes, les fabricants, les développeurs de logiciels, les opérateurs de flottes et les fournisseurs de services, sous un même toit.
4. Modèles de distribution
Enfin, la façon dont l'assurance est vendue pourrait changer. À l'avenir, les fournisseurs de logiciels AV pourraient intégrer l'assurance directement dans leurs plateformes, de sorte que la couverture devienne une caractéristique intégrée de la mobilité autonome.
Ces changements laissent entrevoir un avenir où l'assurance ne sera pas seulement un produit financier, mais un service intégré à l'écosystème de la mobilité lui-même.
Les données et la simulation au cœur du changement
Les outils de simulation tels que l'AVDRS de Simulytic sont plus que de simples innovations techniques, ils représentent une nouvelle façon de gérer la confiance. En créant des évaluations de risques hyperlocales et basées sur des preuves, ils permettent aux assureurs de passer d'une tarification réactive (basée sur les sinistres passés) à des modèles prédictifs et préventifs.
En utilisant des données télématiques synthétiques générées par des jumeaux numériques, les assureurs peuvent tester la façon dont les AV de référence réagissent à des conditions routières, météorologiques ou à des scénarios de circulation spécifiques. Cela fournit une base cohérente et transparente pour la souscription, qui ne dépend pas d'un accès intrusif au logiciel propriétaire du véhicule.
Il en résulte une situation gagnant-gagnant : les assureurs peuvent évaluer le risque avec précision et les fabricants peuvent prouver la sécurité de leurs systèmes sans révéler de secrets commerciaux.
Impacts dans le monde réel
Ces innovations font déjà la différence. En alignant les développeurs de technologies et les assureurs autour de cadres de données partagés, l'industrie crée les conditions pour des déploiements AV évolutifs et assurables.
Une évaluation précise des risques aide les assureurs à proposer des primes plus justes. Elle encourage également les fabricants à améliorer leurs systèmes sur la base d'indicateurs de sécurité mesurables. Au fil du temps, ce cycle de données, de retour d'information et de confiance sera essentiel à la généralisation de l'autonomie.
Du risque à l'opportunité
L'assurance a toujours été un outil de gestion de l'incertitude. À l'ère de l'autonomie, elle peut devenir un catalyseur de progrès. La prochaine génération de produits d'assurance pourrait être dynamique, basée sur l'utilisation et intégrée, reflétant les conditions en temps réel plutôt que des hypothèses statiques.
Cette transformation ne se fera pas du jour au lendemain. Elle nécessite une coopération entre les assureurs, les fournisseurs de technologie, les décideurs politiques et les associations telles que l'SAAM, qui rassemblent ces parties prenantes pour partager leurs connaissances et élaborer un cadre commun.
Les véhicules autonomes nous enseignent que la sécurité, la confiance et l'innovation vont de pair. Le secteur de l'assurance a un rôle unique à jouer, non seulement dans la gestion des risques, mais aussi en permettant l'avenir de la mobilité.

Christopher Moore
Tête d'ibott, Apollo 1971

Andy Gill
Co-Funding et COO, Simulytic
S'impliquer
L'Association suisse pour la mobilité autonome (SAAM ) met en relation des experts de l'ensemble de l'écosystème (assureurs, développeurs, villes et chercheurs) afin d'échanger des points de vue et d'élaborer des solutions concrètes pour l'intégration en toute sécurité des technologies autonomes.
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