L'avenir du trafic routier automatisé en Suisse (article LITRA)

L'automatisation des transports va changer la mobilité telle que nous la connaissons. La Suisse est un pays pionnier avec des projets pilotes dans les transports routiers publics. Quels sont les développements à venir et pourquoi avons-nous besoin de la perspective et de l'implication de différents acteurs ? Dans cette...

Rédigé par

Raphaël Sauvain

Publié le

BlogPolitiques et lois, SAAM

Les transports automatisés vont changer la mobilité. La Suisse est un pays pionnier en la matière grâce à ses nombreux projets pilotes dans les transports publics routiers. Quelles sont les évolutions à venir et pourquoi la perspective et la participation de différents acteurs sont-elles nécessaires ? Swiss Association for Autonomous Mobility (SAAM) présente dans cet article invité les avancées des projets pilotes pour la conduite automatisée en Suisse ainsi que la vision future.

Par Martin Neubauer et Oliver Nahon, Swiss Association for Autonomous Mobility (SAAM), rédigé pour LITRA.

Le développement de la conduite automatisée progresse dans le monde entier. En Suisse aussi, les véhicules automatisés sont devenus de plus en plus visibles pour le public au cours des dernières années. Notamment grâce aux transports publics routiers : depuis 2016, pas moins de 20 navettes automatisées ont circulé en Suisse (avec un chauffeur de sécurité à bord). Les bus autopilotés exploités par CarPostal jusqu'en 2021 ont notamment reçu beaucoup d'attention et ont sans doute marqué l'image des véhicules automatisés chez de nombreuses personnes en Suisse. La Suisse a ainsi joué un rôle de pionnier en Europe, voire dans le monde entier, dans l'utilisation de véhicules automatisés dans les transports publics routiers.

Qu'est-ce que la conduite automatisée ?

La conduite automatisée désigne la capacité d'un véhicule à se déplacer et à se diriger de manière totalement ou partiellement autonome. On distingue cinq niveaux d'automatisation. Le niveau 1 désigne la conduite assistée, par exemple avec un assistant de maintien de voie, un régulateur de vitesse ou un dispositif automatique de maintien de la distance. Les niveaux suivants désignent la conduite faiblement automatisée (niveau 2), partiellement automatisée (niveau 3) et hautement automatisée (niveau 4). A tous ces niveaux, l’humain est tenu d’assumer certaines tâches. Enfin, le niveau 5 désigne la conduite entièrement automatisée. Dans ce cas, la technologie prend en charge toutes les tâches. Un conducteur ou une conductrice dans la voiture ou par téléopération n'est pas nécessaire. Une description plus détaillée des niveaux d'automatisation est disponible auprès de l'Office fédéral des routes (OFROU).

Pourquoi la conduite automatisée est-elle importante ?

La conduite automatisée est une opportunité pour une mobilité durable et offre des chances à la société. L'évolution démographique montre que la population est de plus en plus âgée. Grâce aux possibilités offertes par la conduite automatisée, les personnes âgées ou physiquement limitées bénéficient d'un accès simplifié à la mobilité et donc d'une meilleure qualité de vie. Mais de nouvelles alternatives de transport moins coûteuses s'ouvrent également au transport de marchandises. Les marchandises peuvent être transportées de manière plus efficace et plus écologique.

Une mobilité efficace et efficiente est toujours un indicateur de bien-être et de sécurité dans un pays. La Suisse dispose depuis des décennies d'une offre de mobilité de base qui fonctionne bien. La conduite automatisée des transports publics routiers permet d'élargir cette offre.

De nombreux arguments plaident également en faveur de la conduite automatisée en termes de sécurité routière. Selon le niveau d'automatisation, le nombre d'accidents peut encore diminuer. Aujourd'hui, 90 % des accidents sont dus à une erreur humaine. Le défi consiste à maîtriser sans accident le trafic mixte de véhicules conventionnels et automatisés. Il convient d’éviter que les systèmes techniques ne soient défaillants ou n'évaluent mal les situations de trafic. Le développement de technologies fiables et robustes pour améliorer la sécurité routière est donc d'une immense importance. C'est la seule façon de gagner la confiance des gens dans la conduite automatisée et de la garantir durablement.

Une sélection de projets en cours dans les transports publics routiers suisses

CarPostal a entre-temps mis fin au projet SmartShuttle mentionné en introduction. Mais l'intérêt de l'entreprise pour le transport automatisé demeure : CarPostal mène un projet pilote très remarqué pour un véhicule transportant des bagages à Saas-Fee.

D'autres organisations du secteur des transports publics poursuivent actuellement des projets de conduite automatique : en 2018/2019, le Swiss Transit Lab (STL) a par exemple lancé à Schaffhouse une navette autopilotée, intégré au réseau de transports publics des Verkehrsbetriebe Schaffhausen (vbsh). Depuis août 2022, le STL dispose également d'un minibus conventionnel qui a été transformé en un véhicule disposant de la capacité de rouler de manière "hautement automatisée" (niveau d'automatisation 4). Le STL veut ainsi ouvrir cette année encore, dans le cadre d'un projet pilote, un service de bus automatisé dans le centre-ville de Schaffhouse.

Le plus grand projet pilote de conduite automatisée dans les transports publics routiers en Suisse est en cours à Genève : les transports publics genevois (tpg) exploitent une flotte de navettes automatisées qui fonctionnent à la demande. Les usagers peuvent commander les navettes directement via leur smartphone.

Les projets mentionnés ici, ainsi que d'autres projets achevés, en cours ou prévus, sont documentés sur le site web de SAAM.

Etat des lieux : la confiance est de mise, mais un plus grand élan serait souhaitable.

La conduite automatisée est arrivée en Suisse, y compris dans les transports publics. Ce nouveau type de mobilité est appelé à se développer en permanence. Divers acteurs en Suisse ont reconnu l'importance de la conduite automatisée, comme le montre le fait que plus d’une trentaine d’organisations participent désormais à SAAM, dont des entreprises suisses de transport, de technologie et de TP ainsi que des instituts de recherche.

Si l'on veut continuer à développer la mobilité dans l'intérêt des utilisateurs, il est essentiel de ne pas se limiter à la perspective technologique. En Suisse, la conduite automatisée est souvent considérée de manière isolée. Il en va autrement en Allemagne, où le mot-clé "Verkehrswende" (tournant dans le domaine des transports) donne lieu à un vaste débat d'orientation, dans le cadre duquel la conduite automatisée est également discutée. Il est important et judicieux de considérer la conduite automatisée en relation avec d'autres grands défis. Il est encore plus pertinent que des entreprises d'autres secteurs, par exemple du commerce de détail, de l'énergie, de la logistique ou du développement urbain, s'enthousiasment pour le sujet et participent activement à la discussion.

Il est tout à fait positif que la collaboration de SAAM avec les pouvoirs publics se déroule de manière constructive. Les autorités se montrent intéressées par les différents projets pilotes. La confiance est donc de mise pour l'avenir de la conduite automatisée en Suisse.

La propension à innover dans le domaine de la conduite automatisée en Suisse a plutôt diminué ces deux dernières années suite à la pandémie de coronavirus et aux incertitudes économiques qui en découlent. Le potentiel de la conduite automatisée reste cependant élevé. Une révision de la loi fédérale sur la circulation routière est actuellement débattue au Parlement. Elle doit permettre de régler juridiquement l'utilisation expérimentale de véhicules automatisés en Suisse et donc, dans une certaine mesure, de la faciliter (objet du Conseil fédéral 21.080 au Parlement). Si la Suisse veut suivre les évolutions européennes et mondiales, il faut non seulement de telles bases, mais aussi que les acteurs de la branche des transports aient le courage d'analyser le thème du trafic automatisé et de s'y positionner.

SAAM Zugfascht

 


Notes sur l'article

Le contenu de l'article correspond aux opinions de ses auteurs. L'article a été rédigé dans le cadre de la conférence Automaticar. La cinquième édition, également appelée Agora suisse de la mobilité automatisée, aura lieu dans le cadre de L'Arène suisse de la mobilité les 20 et 21 septembre 2022 à Berne. L'Arène suisse de la mobilité est un événement important en Suisse pour échanger avec les acteurs politiques, les entreprises et les scientifiques sur les progrès de la mobilité de demain. SAAM et la LITRA sont représentées à la conférence.

Photo de couverture de l'article : minibus conventionnel transformé en véhicule automatisé (Swiss Transit Lab, Schaffhouse).